Alors qu’avec une bande d’amis nous errions sur le Piton de la Fournaise, une des failles éruptives était juste sous nos pieds. Ca sentait bon le soufre, ça dégazait. L’ambiance était somptueuse, le soleil émergeait de l’enclos et chassait les derniers grains de « farine », ce crachin péi qui mouille, qui ne s’arrête jamais (à la différence du crachin breton). Ce n’était pas complètement silencieux, on sentait et on entendait la terre respirer (elle pue un peu de la gueule). Les vapeurs terrestres se mêlaient à celles du ciel. On avait du mal à distinguer les cônes éruptifs, le gris aplatissant tout. Après une nuit d’enfer, c’était sûr il allait faire beau.

Au point du jour, si les aubes sont parfois navrantes, ce sont les vers de Cézaire qui me sont venus :

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DORSALE BOSSALE

il y a des volcans qui se meurent

il y a des volcans qui demeurent

il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent

il y a des volcans fous

il y a des volcans ivres à la dérive

il y a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent

il y a des volcans dont la gueule émerge de temps

en temps

véritables chiens de la mer

il y a des volcans qui se voilent la face

toujours dans les nuages

il y a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatigués

dont on peut palper la poche galactique

il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments

à la gloire des peuples disparus

il y a des volcans vigilants

des volcans qui aboient

montant la garde au seuil du
Kraal des peuples endormis

il y a des volcans fantasques qui apparaissent

et disparaissent

(ce sont jeux lémuriens)

il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindres

les volcans qu’aucune dorsale n’a jamais repérés

et dont de nuit les rancunes se construisent

il y a des volcans dont l’embouchure est à la mesure

exacte de l’antique déchirure.

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